Manque de places d’accueil : Vie Féminine auditionnée par le CWEHF
Le 23 décembre 2010, Vie Féminine a été auditionnée par le CWEHF (Conseil wallon de l’égalité entre hommes et femmes) sur le dossier du manque de place d’accueil pour les personnes handicapées.
Depuis son colloque de 1984 intitulé « Maternité et société » et la création d’un groupe « Handicap et maternité » au niveau national de Vie Féminine, le Mouvement n’a de cesse d’attirer l’attention sur les conséquences et l’impact du manque de places d’accueil sur les familles et plus particulièrement sur les femmes.
C’est à ce titre qu’Hafida Bachir (Présidente de Vie Féminine) et Isabelle Bernard (membre bénévole du groupe « Femme et handicap) ont été auditionnée par le CWEHF. Lors de son intervention, Hafida Bachir en a profité pour rappeler certains enjeux liés à cette problématique :
- Si l’investissement important pour les parents, il l’est encore plus pour les femmes. Un grand nombre d’entre-elles doivent concilier seules cette prise en charge avec leur vie professionnelle ;
- Le manque de places dans les structures d’accueil existantes incite les femmes à quitter le marché de l’emploi, à prendre un temps partiel ou à continuer à travailler, mais avec des grosses difficultés de conciliation ;
- La nécessité de faire de nombreuses démarches administratives avec de nombreux interlocuteurs, notamment publics, pour attester du handicap de leur enfant. Toutes ces démarches constituent un frein au travail des femmes ;
- Le facteur de précarité : le retrait du travail amène les femmes à se retirer vers d’autres types de revenus, via la protection sociale. Ces revenus sont réduits et limités dans le temps. Certaines femmes abandonnent même complètement leur emploi, ce qui veut dire qu’elles renoncent aussi entièrement à la protection sociale ;
- Le coût généré par le handicap amplifie encore la précarité et conduit certaines femmes à des situations d’exclusion ;
- Les conséquences psychologiques : la prise en charge d’une personne handicapée cause souvent des impacts négatifs sur la santé physique (épuisement) et mentale (dépression, souffrance personnelle) de ses femmes.
Vie Féminine en a profité pour rappeler qu’elle ne pouvait accepter que les femmes soient mises ainsi sous pression et contraintes à des renoncements, aussi bien pour elles que pour leur enfant. En plus, tant ces femmes que leur enfant se voient confinés à la sphère privée. Pour l’enfant, ce confinement lui retire tous repères autres que sa mère et pour cette dernière, cette situation est difficile à vivre car elle n’a plus de moment pour elle, ni de recul. C’est pourquoi, Vie Féminine a voulu se mobiliser pour tenter de trouver des solutions pour ces femmes. Des campagnes de sensibilisation ont ainsi été réalisées. Des ministres de la Région wallonne et du Fédéral ont également été interpellés.
Sachant qu’il manque cruellement de places d’accueil, Vie Féminine estime qu’il est intolérable d’entendre dire aux parents qu’ils sont obligés de financer des structures d’accueil privées pour les faire agréer par la suite.
Le Mouvement rappelle l’existence d’un moratoire en Région wallonne qui est partiellement levé en ce qui concerne la création de places dans les structures d’accueil (financement pour l’ouverture de places). Malheureusement, cela n’est pas encore suffisant pour répondre aux besoins de ces femmes.
Vie Féminine a également souhaité attirer l’attention du CWEHF, et par conséquent des pouvoirs publics, sur les considérations suivantes :
- La prise en charge des handicapés relève d’une responsabilité politique. Le Mouvement part du principe que la prise en charge des enfants (handicapés ou non) relève d’une responsabilité collective. Il faut donc que l’on sorte des « bricolages » dans la gestion de la vie quotidienne (inciter les parents à créer des structures d’accueil, recherche d’appui temporaire pour que les parents puissent souffler un peu....)
- Axer les actions en priorité sur la personne handicapée dans le respect de ses droits à sa dignité et à sa qualité de vie. Le Mouvement insiste pour que le moratoire soit levé de manière à avoir non seulement des nouvelles places, mais qu’elles soient aussi de qualité, accessibles financièrement et en nombre suffisant pour répondre à la demande. Les places à créer doivent tenir compte des solutions diversifiées et souples et répondre effectivement aux besoins (lieux de repos, centres de séjour ou d’hébergement....) ;
- La grande dépendance doit faire l’objet de solutions appropriées, financièrement accessibles et avec une meilleure prise en charge des personnes. Ces lieux doivent subir des contrôles rigoureux pour garantir la qualité des services. Vie Féminine souhaite que les parents puissent participer dans ses structures à tous les niveaux de décision, car ceux-ci peuvent rendre compte de leur expérience de terrain.
Enfin, Vie Féminine regrette que la Déclaration de politique régionale wallonne n’ait consacré que deux pages au problème du handicap. Parmi les mesures qui y sont proposées, elle constate que le politique ne privilégie pas la création de services collectifs, accessibles financièrement, et en dehors de la sphère familiale. Le Gouvernement wallon s’engage à privilégier des prestations ou des besoins d’aide, plutôt que de réfléchir en termes de places ou de prise en charge.
En ce qui concerne la grande dépendance, le Gouvernement s’engage à lever progressivement, et en fonction des disponibilités budgétaires, le moratoire qui limite actuellement la création de nouvelles places par une programmation d’ouvertures de places avec une attention particulière pour les personnes polyhandicapées ou ayant des troubles de comportement. Cette levée progressive ne sera pas pensée en fonction des demandes d’agrément individuelles des services mais dans une logique de répondre aux besoins des personnes, et prioritairement les plus lourdement handicapées.
Ces 2 engagements du Gouvernement amènent Vie Féminine à conclure qu’il existe un manque de perspective en ce qui concerne la politique globale de l’accueil des personnes lourdement handicapées en termes de créations de lieux d’accueil. Ce manque de places crée des problèmes pour les femmes : elles sont renvoyées avec leurs enfants à la maison. Elles sont confinées et deviennent précaires.
Si le Gouvernement s’est effectivement engagé à faire un état des lieux pour voir les places disponibles et l’adéquation de ces places par rapport aux types d’handicap [1], il ne faudrait pas que ce type d’analyse se limite à faire des basculements entre enfants qui seraient déjà placés et d’autres enfants attendant aussi qu’on puisse les prendre en charge. Le but est de créer des nouvelles places et non de faire des transferts.
[1] Une démarche qui apportera un éclairage un peu plus quantitatif