Les organisations de femmes interpellent les responsables politiques et institutionnels sur la situation des femmes afghanes


À l’occasion de la Journée Internationale des Femmes du 8 mars, les organisations de femmes attirent l’attention sur la situation spécifique des femmes réfugiées afghanes qui, depuis maintenant 1 an, se battent pour obtenir l’asile chez nous et ne pas être renvoyées dans un pays en guerre.


No (wo)man’s land

Si les Afghans courent d’énormes risques en retournant dans leur pays, la situation est encore pire pour les femmes. La Belgique le reconnaît d’ailleurs, puisque ni celles-ci, ni les enfants afghans ne sont plus expulsés. Ces femmes restent cependant en Belgique sans statut de réfugié, ce qui leur interdit de facto de travailler et les empêche de construire une nouvelle vie chez nous. Ni expulsées ni régularisées, elles
errent dans un no (wo)man’s land social, facteur de grande insécurité, alors qu’elles devraient recevoir automatiquement un statut de ‘permis de séjour humanitaire’. Même en supposant que l’Afghanistan retrouve une paix réelle, les conditions de vie des femmes ne s’en trouveraient pas pour autant améliorées. L’Afghanistan est en effet l’un des pays au monde où la situation des femmes est la pire : les longues années de guerre ont complètement détruit leurs droits ainsi que leurs espoirs d’émancipation.
Au classement établi par l’OCDE en matière d’égalité des genres, l’Afghanistan occupe l’avant dernière place. La situation peut se résumer comme suit : d’une part, une femme seule ne peut pas survivre dans cette société sans une protection masculine (aucun accès à la vie publique, ni à l’emploi n’est possible) ; d’autre part, c’est souvent le réseau familial qui est l’agent persécuteur.

Quelques faits et chiffres :

  • 87% des femmes afghanes sont analphabètes ;
  • entre 70 et 80% de femmes et jeunes filles sont concernées par un mariage forcé ;
  • l’Afghanistan est le pays avec le plus haut taux de mortalité maternelle au monde ;
  • l’espérance de vie moyenne des femmes ne dépasse pas les 48 ans ;
  • des lois et des pratiques discriminatoires interdisent aux jeunes filles et aux femmes de quitter le
    domicile sans autorisation masculine et des peines de prison sont prononcées contre celles qui ont désobéi ;
  • selon des statistiques reprises par la Cour de Strasbourg, 80% des femmes afghanes sont victimes de violences.

Les droits des femmes sont des droits humains

  • Alors que le législateur belge a ajouté la dimension du genre dans la loi en 2006, et les persécutions liées au genre au point f de l’article 48/3 de la loi du 15 décembre 1980, la problématique du « genre » n’est pas prise en compte par les instances qui accordent le droit d’asile.
  • Collectif de soutien aux femmes afghanes demandeuses d’asile
  • En effet, la décision d’accorder ou non l’asile est le plus souvent déterminée par rapport à la situation du mari. De ce fait, les femmes ne sont pas soutenues dans la construction de leur propre dossier et ne peuvent évoquer les violences dont elles ont été victimes.
    A cet égard, il est très surprenant de constater que les rapports sur l’Afghanistan du Cedoca, le centre de documentation et de recherche du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), ne contiennent même pas un chapitre consacré aux femmes et aux filles, alors que le CGRA dispose d’une cellule genre. Enfin, soulignons que le Conseil de l’Europe demande, depuis sa résolution du 8 octobre 2010, de
    veiller à la prise en considération de l’aspect genre dans les demandes d’asile. La résolution indique notamment : « La persécution subie par les femmes et les filles est souvent différente de celle vécue par les hommes, mais le système d’asile continue de la percevoir à travers le prisme des expériences masculines ». Par conséquent, nous demandons que le droit de séjour humanitaire soit appliqué intégralement pour les femmes et les filles afghanes car, pour elles, il n’y a aucune « zone sûre » en Afghanistan.

Dans cette optique, nous demandons que :

  • les demandes d’asile rejetées sans avoir tenu compte de la dimension de genre soient
    réexaminées en fonction des critères recommandés par le Conseil de l’Europe ;
  • en attendant le réexamen de leur dossier, les femmes Afghanes réfugiées en Belgique bénéficient
    de la protection subsidiaire et soient régularisées ;
  • l’Office des Etrangers et le Commissariat général définissent une politique de genre systématique
    et transparente ;
  • les parlementaires, via le Collège des Médiateurs Fédéraux, soutiennent une demande d’audit du
    genre au sein du CGRA et de l’Office des Etrangers ;
  • le CGRA soit chargé systématiquement de la collecte d’informations genrées et du traitement des
    demandes d’asile liées aux craintes de persécutions en raison de l’appartenance sexuelle ;
  • les femmes demandeuses d’asile soient auditionnées spécifiquement sur la problématique du
    genre et que les personnes qui les reçoivent soient formées à l’accueil de femmes ayant subi des
    violences et/ou des discriminations bases sur le genre ;
  • des pratiques discriminatoires et nuisibles comme l’absence de droit à l’enseignement ainsi que le risque évident de mariage précoce ou forcé soient considérés comme un risque de traitement inhumain et dégradant. Ce risque doit en outre être automatiquement examiné pour la petite fille,
    indépendamment de la position de ses parents.

Il ne s’agit pas de demander la protection des femmes et des filles afghanes au détriment des hommes. Personne ne devrait être renvoyé dans un pays en guerre. Cela n’empêche pas que les femmes qui demandent l’asile – d’où qu’elles viennent – doivent être écoutées en tenant compte à la fois des violences subies et des risques spécifiques
qu’elles encourent en tant que femmes, et leurs filles en tant que filles.

Lettre à l’intention de :

  • Mr Dirk Van den Bulck, Commissaire Général CGRA
  • Mr Elio Di Rupo, Premier Ministre, Gouvernement fédéral
  • Mme Joëlle Milquet, Vice-Première Ministre et Ministre de l’Egalité des -Chances, Gouvernement fédéral
  • Mme Maggie De Block, Secrétaire d’Etat à l’Asile et Migration, Gouvernement fédéral
  • Mesdames et Messieurs les Parlementaires

Collectif de soutien aux femmes afghanes demandeuses d’asile :

Vrouwen Overleg Komitee, Nederlandstalige Vrouwenraad, Femma, Ella, Vie Féminine, Conseil des Femmes Francophones de Belgique, Femmes Prévoyantes Socialistes, Garance, Fondation Millennia2025 Femmes & Innovation, Comité Internacional Peruano, Osez le féminisme Belgique, VIVA-SVV

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