Allocations familiales : lorsque les femmes sont ignorées dans les négociations sur la réforme de l’Etat...
Les mouvements de femmes et les organisations féministes ne se sont guère exprimés jusqu’à présent au cours des débats sur la réforme des structures de l’Etat.
Elles ont amèrement constaté que les 12 grands principes destinés à encadrer la réforme de la loi de financement et approuvés par les 7 partenaires à la fin du mois d’août 2010 ne contenaient aucune référence à l’égalité de traitement entre hommes et femmes, principe pourtant garanti par des législations nationales, européennes et internationales.
Or, une des premières dispositions qui semble faire consensus entre les 7 partenaires concerne le transfert des Allocations familiales du système de la sécurité sociale fédéral vers les entités fédérées.
Et, chacun le sait, la grande majorité des allocataires sont des femmes (les mères des enfants bénéficiaires). Il s’agirait d’un transfert de plus de 4 Milliards d’€ pour le seul régime des salariés. Les allocations familiales devraient permettre à celui des parents (la mère dans la grande majorité des cas) qui assume effectivement la charge des enfants de couvrir partiellement le coût de cette éducation.
Depuis de nombreuses années, les organisations de femmes [1] ont porté des revendications nombreuses et argumentées notamment en matière de relèvement des montants de base des allocations familiales. Les discussions sur le transfert de cette branche de la sécurité sociale aux entités fédérées semblent ignorer complètement cette revendication, et même plus inquiétant, le risque de voir stagner toute politique de revalorisation des allocations familiales ou de voir utiliser l’enveloppe ainsi transférée pour mener d’autres politiques familiales (création de places d’accueil de l’enfance par exemple) pour lesquelles nous demandons par ailleurs depuis longtemps, un financement aux responsables politiques des entités concernées.
De plus, les organisations de femmes rappellent que par la loi du 4 août 1930, la Belgique a fait le choix de situer les allocations familiales dans le cadre de la Sécurité sociale. Même s’il y a aujourd’hui une visée universaliste dans l’octroi des prestations familiales [2], il n’empêche qu’elles sont toujours reliées au statut de travailleur et considérées dans une perspective salariale, et pas comme une politique familiale. Cette conception est particulièrement importante pour les femmes qui représentent la majorité des « travailleurs pauvres », des salariés à bas revenus, des travailleurs ne disposant que d’un emploi partiel, des chômeurs de longue durée et qui prennent encore majoritairement en charge l’éducation des enfants. Parfois, les allocations familiales représentent la seule somme d’argent dont elles sont certaines de disposer en début de mois. Il serait donc urgent, conformément aux objectifs politiques de lutte contre la pauvreté des familles, de lutter efficacement contre les discriminations qu’elles rencontrent en matière d’emploi et d’autonomie économique.
Enfin, actuellement, la gestion des cotisations et des prestations est confiée aux partenaires sociaux. Si les allocations familiales devaient être défédéralisées, les organisations de femmes tant francophones que néerlandophones insistent pour que cette gestion reste aux mains de comités paritaires qui comprennent aussi des représentants des organismes familiaux. L’argent confié aux Caisses d’Allocations familiales appartient aux travailleurs et aux travailleuses.
La révision de la loi spéciale de financement a été précédée d’un accord des 7 partenaires sur les 12 principes pour encadrer les propositions. Parmi ces principes figure : « ne pas appauvrir structurellement une ou des entités fédérées ». Or, en ce qui concerne le transfert des Allocations Familiales aux entités fédérées, aucun principe-cadre n’a été évoqué. Ainsi, loin de tenir compte du rapport présenté à Marche-en-Famenne [3] dans le cadre de la Présidence belge de l’U.E., les négociateurs semblent n’avoir adopté aucune règle qui empêcherait l’appauvrissement de certaines des familles allocataires et à fortiori des mères qui perçoivent ces allocations.
Les femmes savent ce qu’elles ont à gagner avec une sécurité sociale forte au niveau fédéral. Et une réforme des allocations familiales telle que proposée est une marque d’indifférence supplémentaire à ce que vivent les femmes et aux obstacles qu’elles rencontrent sur le chemin de l’égalité. Nous serons donc très vigilantes sur les dossiers concernés par la réforme de l’Etat, d’autant plus que le conciliateur, Johan Vande Lanotte [4], nous annonce pour très bientôt une nouvelle note globale sur les négociations institutionnelles. Les organisations de femmes demandent d’ailleurs d’être consultées sur les matières socio-économiques au même titre que d’autres acteurs sociaux.
Pour plus d’informations :
Hafida Bachir (Vie Féminine) – 02/227 13 01
Sofie De Graeve (VOK) - 0479 78 98 33
Plate-forme pour les allocations familiales
Rue du Méridien,10
1210 Bruxelles
Premiers signataires :
Eerste ondertekenaars :
- Action Chrétienne Rurale des Femmes - ACRF
- Comité de Liaison des Femmes
- Ella - kenniscentrum gender en etniciteit (voorheen samv)
- Femmes et Santé ASBL
- Femmes CSC
- Femmes Prévoyantes Socialistes – FPS
- FGTB
- Flora ASBL/VZW – Réseau pour la Formation et la Création d’Emplois avec les Femmes
- La Voix des Femmes
- Sophia ASBL/VZW – Réseau belge de coordination des études féministes
- Université des Femmes
- Vrouwen Overleg Komitee - VOK
- Vie Féminine, Mouvement féministe d’action interculturelle et sociale
- 29, Rue Blanche ASBL
[1] Plateforme des Familles monoparentales, Communiqué de presse, 2005
[2] En effet, depuis 1971, la législation belge consacre le droit à des prestations familiales garanties pour les familles qui n’ouvrent pas de droit dans un autre régime (7327 familles concernées fin 2009).
[3] ONAFTS, Les allocations familiales dans la lutte contre la pauvreté en Europe. Une étude de cas : les suppléments sociaux dans les allocations familiales belges, Conférence européenne de Marche-en-Famenne, 2-3 septembre 2010.
[4] « Vande Lanotte déposera une note définitive le 3 janvier », La Libre Belgique en ligne du 22/12/2010.