1920-2020, cent ans d’action de Vie Féminine pour les femmes et par les femmes

Episode N°1 : Un syndicalisme féminin, chrétien et autonome au début du 20e siècle

100 ans


À l’origine des mouvements féminins chrétiens d’action sociale en Belgique, le Syndicat Libre de l’Aiguille fondé en 1907 est souvent identifié comme l’ancêtre des Ligues ouvrières féminines chrétiennes, créées en 1920 et qui deviendront Vie Féminine. Derrière leurs nombreux traits communs se cachent cependant des intérêts différents.


À la fin du 19e siècle, devant l’émergence d’organisations féminines socialistes, les associations chrétiennes pour les femmes travailleuses se multiplient. Divers modèles se développent à Gand, à Anvers, à Bruxelles et à Liège : des associations de petites patronnes, des ligues de femmes, des mutuelles basées sur les paroisses, toutes fortement marquées par le paternalisme et l’esprit caritatif.

Atelier de broderie à Swevveghem

À Liège, en 1907, la jeune Victoire Cappe est à l’origine de la fondation du Syndicat Libre de l’Aiguille, destiné aux dentellières, brodeuses, modistes…, travaillant à domicile dans des conditions éreintantes pour assembler les pièces des ateliers de confection. Victoire Cappe propose un autre modèle, inscrit dans le sillage de la démocratie chrétienne, qui plaide pour instaurer la justice sociale et lutter contre le socialisme – athée et source d’agitation sociale – en favorisant l’autonomie des travailleurs/euses.
Victoire Cappe (archives Vie Féminine).Pour Victoire Cappe, la raison primordiale du syndicat est la défense des intérêts professionnels des affiliées. Il doit être conduit par les travailleuses elles-mêmes, autonome vis-à-vis du clergé, et être uniquement féminin pour prendre en compte les intérêts spécifiques des femmes. Les cercles d’étude, visant à la formation intellectuelle et morale des travailleuses, en sont le fondement. Cette vision influence l’ensemble des unions professionnelles féminines, qui se structurent au sein du Secrétariat général des unions professionnelles féminines chrétiennes en 1912.

Photo du groupe du Syndicat de l'Aiguille, prise à Liège en 1914Peu à peu, le Secrétariat général élargit ses activités à l’éducation et l’apostolat auprès des femmes du milieu ouvrier, dans le but de les former à leur mission chrétienne au sein de la famille, en particulier les tâches ménagères et la transmission de la foi catholique. En 1918, le Secrétariat général est amené à coordonner toutes les organisations féminines chrétiennes naissantes – ligues de femmes, instituts de formation ménagère et cercles d’étude, consultations pour nourrissons, mutualités... L’action syndicale devient un secteur d’activité parmi d’autres, incarné par la Commission intersyndicale féminine, qui rencontre de plus en plus de difficultés. D’une part, elle fait face au succès croissant des ligues de femmes, unifiées au sein de la Fédération des Ligues ouvrières féminines chrétiennes en 1920, dont le programme a davantage d’écho auprès des femmes au foyer. D’autre part, elle est confrontée à la volonté de centralisation de la CSC, qui pousse à l’intégration des femmes dans des sections mixtes, si bien qu’elle finit par l’absorber en 1925. Dans un contexte qui favorise le retour des femmes au foyer, le modèle de la femme chrétienne qui se consacre entièrement à sa vocation de mère et d’épouse proposé aux travailleuses a sonné le glas de l’action féminine syndicale autonome.
Juliette Masquelier

Cet article a été initialement publié dans le Numéro 231 du magazine axelle


Pour aller plus loin
Marie-Thérèse Coenen, Syndicalisme au féminin. Vol. 1 : 1830-1940, CARHOP 2008.
Denise Keymolen, Victoire Cappe, 1886-1927 : une vie chrétienne, sociale, féministe, CARHOP 2001.


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