Episode N°9 : Vie Féminine soutient la dépénalisation de l’avortement


En 1986, Vie Féminine affiche pour la première fois son soutien officiel à une proposition de loi dépénalisant (partiellement) l’interruption volontaire de grossesse. Le combat était loin d’être gagné d’avance : l’avortement est un sujet sensible, sur lequel toute prise de position est risquée pour le mouvement chrétien qu’est alors Vie Féminine.


Durant les années 1970, Vie Féminine s’oppose à la libéralisation de l’avortement que réclament quelques parlementaires socialistes, les féministes et les centres laïques de planning familial. Plus que tout, Vie Féminine redoute la « banalisation » de l’avortement, mais, en interne, sa position est nuancée : le mouvement développe une approche compréhensive des drames psychologiques et sociaux des grossesses non désirées. Contrairement à la position catholique institutionnelle qui s’impose dans le débat public et qui n’admet l’avortement que dans le cas d’un danger pour la vie de la mère, Vie Féminine souhaite prendre en compte les circonstances psychosociales qui pèsent sur les femmes, mais sa voix est peu entendue. Son approche reste bien différente de celle des féministes : ces dernières réclament un avortement libre et gratuit au nom de la liberté de disposer de son corps, tandis que Vie Féminine défend alors une solution juridique « modérée » qui tiendrait compte des cas « graves », où ce sont des médecins, et non les femmes, qui jugent de la gravité des situations.

Dépénaliser au nom du pluralisme
Cette position s’infléchit au début des années 1980, dans un contexte où la reprise des poursuites judiciaires à l’encontre du personnel soignant pratiquant des avortements fait progressivement apparaître aux yeux de l’opinion publique l’inadéquation de la loi répressive. Dès 1981, toute l’équipe dirigeante de Vie Féminine est acquise à la dépénalisation – sous conditions – mais un obstacle de taille subsiste : beaucoup de membres considèrent encore que l’avortement est un crime.
Pendant plusieurs années, la jeune présidente Andrée Delcourt et son équipe vont nourrir le débat au sein du mouvement, et organiser l’information afin de rallier les membres à leur cause. Au centre de leur argumentaire se trouve le pluralisme : il ne s’agit pas d’accepter l’avortement pour soi-même, mais d’accepter que la loi l’autorise, dans une perspective chrétienne d’assistance et de tolérance à l’autre.
Il faudra attendre 1986 pour finalement obtenir une majorité de responsables qui votent le soutien de Vie Féminine à la proposition de loi Lallemand/Herman-Michielsens de dépénalisation partielle de l’avortement – au prix cependant du départ de nombreuses membres qui refusent toujours d’admettre qu’un mouvement chrétien puisse soutenir une telle loi.
Juliette Masquelier


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